La maison exemplaire d’Alsace fête ses 50 ans de trois étoiles en septembre prochain. Bref, passage en revue d’un paradis gourmand.
Le bonheur ne se mesure pas en terme d’étoiles. Mais comme les Haeberlin fêtent leurs 50 années continues de trois étoiles au Michelin, on se dit que l’unité de compte se tient. Il y a tout ici, tout en un : gentillesse, enthousiasme, professionnalisme, conviction, sans omettre un formidable rapport qualité les prix. Les grands bourgognes et bordeaux sont vendus quatre fois moins chers que dans les palaces parisiens, le cadre, récemment refait par Patrick Jouin, joue, selon les mots de Marc Haeberlin, « l’évolution sans la révolution« . Le service est aux petits oignons, la sobriété et la chaleur vont l’amble, le jardin sur l’Ill avec le pleur de saules en contrepoint: voilà ce qui vous attend là. Plus un style culinaire mêlant tradition et modernisme avec doigté.
Les Haeberlin, qui ont essaimé jusqu’au Japon, traduisent ce parallèle avec des mets nouvelle vague séducteurs. Alsacienne, la maison l’est et le demeure avec brio. Même si l’on vient ici non seulement pour le foie gras frais d’oie en terrine, la mousseline de grenouilles, le saumon soufflé, qui firent la gloire de Paul, père de Marc, auquel ce dernier ressemble de plus en plus. Mais aussi pour le maki de caille entre Illhaeusern et Tokyo, le croustillant d’anguille fraîche et fumée avec escargot poêlé, plus une émulsion de saké et de wasabi (un grand plat, neuf, avec des goûts anciens magnifiés avec précision et justesse), ou encore le homard avec sa compression de tomates multicolores, sa burrata et son pesto.
Cuisine sage, savoureuse, savamment dominée: voilà ce qui se trame ici et auquel le nouveau décor lumineux dans les tons blancs, ouvert sur le dehors, par de là ses grandes baies vitrées répond avec aisance. On ajoute le filet d’agneau en habit vert ses cromesquis de courgettes et quinoa, sa fricassée d’artichauts barigoule, le carré de cochon rôti, légèrement laqué, avec sa fausse raviole végétale, son jus aux agrumes et à la réglisse.
Là dessus, Serge Dubs, meilleur sommelier du monde, toujours présent dans la demeure le week-end, vous propose les beaux vins du moment: muscat sec de Josmeyer ou plus rond, plus parfumé, plus charmeur de Rolly-Gassmann, riesling grand cru Vorbourg du Clos Saint-Landelin du domaine Muré à Rouffach 2010, mariant minéralité, élégance et longueur, avant le somptueux morey saint denis du clos de la Bussière de chez Roumier exprimer tout son fruit, au paroxysme du charme en 2000.
Allez après cela gloser sur le chariot de fromages de Tourettes, les desserts de tradition éternelle (pêche pochée Haeberlin et son sabayon, vacherin glacé comme le faisait la grand mère qui est l’archétype de la meringue glacée, craquante, moelleuse et crémeuse à la fois). On reviendra pour l’Irish Coffee « en fausse tasse » ou les crêpes fourrées Cherry Gaby. Haeberlin, depuis 50 ans et plus, c’est toujours cette maison unique qu’on quitte à regret et où l’on se demande déjà quand on y reviendra…
Gilles Pudlowski
Auberge de l’Ill, rue de Collonges au Mont d’Or
68970 Illhaeusern. Tél. 03 89 71 89 00
Menus : 110 (sem. déj.), 130, 188 (dégustation) €
Carte : 180-280 €
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi
Site: https://www.auberge-de-l-ill.com/fr/